Un arc-en-ciel en pleine nuit ? Ce halo discret, qu’on appelle moonbow, naît exactement des mêmes lois optiques que son cousin diurne, mais sous une lumière bien plus timide. À l’œil nu, il paraît blanchâtre, presque fantomatique.
En photo, il explose en couleurs. Pourquoi ce grand écart ? Parce que notre vision nocturne n’aime pas la couleur, et parce que la lumière lunaire, simple reflet du Soleil, est des centaines de milliers de fois plus faible. Ainsi, ce phénomène mêle météorologie, optique et physiologie de la vision. Bonne nouvelle : il n’est pas si rare qu’on le croit. Il suffit de viser juste, au bon moment, et au bon endroit.
Comment naît un Moonbow
Un arc-en-ciel, de jour comme de nuit, résulte de la réfraction, de la réflexion interne et de la dispersion de la lumière dans des gouttelettes d’eau. Le faisceau est dévié d’un angle caractéristique, environ 42° pour l’arc primaire, autour du point antisolaire… ou, la nuit, autour du point anti-lunaire.
Voilà pour la théorie. Mais concrètement : on tourne le dos à la Lune et on regarde vers la pluie ou la brume éclairée. Par rapport à l’arc-en-ciel de jour, seule la source de lumière change.
La Lune n’émet pas de lumière, elle renvoie celle du Soleil. Résultat : la lumière d’une pleine Lune est 100.000 à 400.000 fois plus faible que celle du Soleil. La nuit, pour augmenter notre vision, nos rétines basculent sur les bâtonnets, qui sont des capteurs très sensibles mais qui renvoient moins de lumière que les cônes, qui font le boulot la journée. D’où un arc souvent perçu gris-blanc, parfois à peine irisé. Mais les couleurs existent pourtant : elles manquent seulement de photons, de « peps » pour déclencher nos cônes.
Pour voir un « moonbow », quelques conditions aident. Une Lune (presque) pleine et basse sur l’horizon, idéalement dans les deux ou trois heures suivant son lever ou avant son coucher. Des gouttelettes en nombre, apportées par une averse, un front de bruine ou un panache de cascade. Un ciel sombre et peu pollué lumineusement du côté opposé à la Lune. Aux chutes de Victoria, à Yosemite ou à Cumberland Falls (dans le Kentucky), les brumes régulières offrent des moonbows presque « de rendez-vous ».
Observer et photographier : la méthode qui marche
En photographie, c’est presque tricher… mais une triche pédagogique. Un capteur accumule les photons : les couleurs se révèlent.
La recette : placez un trépied, un objectif grand-angle (14-24 mm), mise au point manuelle à l’infini (hyperfocale), en RAW, balance des blancs « jour », f/4, ISO 800 à 3200 selon les capacités de votre appareil, et des poses de 5 à 30 secondes selon la luminosité et la brume.
Ajustez pour garder du détail sans « brûler » la Lune si elle est dans le cadre.
Évitez les lampadaires et les phares qui lessivent le contraste, sauf si vous provoquez le « moonbow » de façon artificielle évidemment.
Alors, le Moonbow, si exceptionnel que ça ?
Le « moonbow » n’est pas exceptionnel au sens physique : les lois sont banales, les gouttelettes aussi, et la Lune revient tous les mois. Il est rare à nos yeux parce que plusieurs verrous s’additionnent : peu de lumière, un angle géométrique contraint, de la brume au bon endroit, et notre vision nocturne qui déteste la couleur.
C’est ce qui fait sa spécificité : ce que nous croyons voir du ciel dépend autant de l’atmosphère que de notre biologie.
Et c’est là ou la photo est utile : une longue pose ne « fabrique » pas des couleurs, elle additionne simplement des photons que nos cônes ne perçoivent pas en temps réel.